Entretien
Nautisme

Cédric Château : "Entre le coaching et la course au large, j’ai vraiment une vie rêvée !"

14e édition de la Transat Jacques Vabre Normandie – Le Havre

Le Havrais Cédric Château prendra le départ de la Transat Jacques Vabre Normandie – Le Havre ce dimanche à 13 h 15 aux côtés du skipper Jörg Riechers sur Linkt (Class40). C’est sa deuxième participation à la Route du café après l’édition 2017 qui l’a vu accrocher le top 5 avec Olivier Cardin sur Région Normandie Senior Junior by Evernex. Retour sur son parcours, ses ambitions pour la course, et son regard sur les deux autres skippers havrais engagés cette année, Charlie Dalin et Renaud Courbon.

  • Comment êtes-vous venu à la voile ?

Je suis vraiment un marin d’eau douce ! Je suis né à Rouen. Mes parents ont déménagé dans la campagne environnante lorsque j’avais 8 ans et ont retapé une grange qui par chance se situait à trois kilomètres d’un club de voile. A 11 ans, lorsqu’il a fallu m’orienter vers une activité, j’ai naturellement choisi ce sport.
Avec mon frère, nous sommes venus nous entraîner au Havre, ce qui nous a amenés à la compétition au niveau national puis international. Mon coach d’alors, Didier Derand, est devenu plus tard mon patron, en 97, quand j’ai commencé à former les 420 à l’âge de 23 ans. J’avais alors comme collègue un certain Francis Le Goff qui coachait les optimists, et qui est devenu le directeur de la Ligue de voile de Normandie. J’ai continué ma carrière dans cet écosystème et suis devenu responsable du pôle espoirs ville du Havre, puis de Normandie Elite Team.
Au niveau compétition, j’ai navigué sur des bateaux de plus en plus gros, sur des projets de plus en plus importants, que ce soit au niveau mondial en match race ou encore sur de la course au large.

  • A vos débuts, pensiez-vous un jour vous retrouver au départ d’une Transat Jacques Vabre ?

Je n’ai pas du tout calculé ça ! Mais c’est certain que cette installation de ma famille à proximité d’un club de voile a complètement orienté nos vies et nos carrières, à mon frère et moi, Yann faisant partie de la direction de course de la Transat Jacques Vabre. 
J’adore coacher les jeunes, c’est quelque chose qui me passionne. Et je continue à apprendre chaque jour, notamment en matière de course au large pour laquelle je suis moins spécialisé. J’ai vraiment une vie rêvée !

  • Vos premiers souvenirs de transat ?

Ce ne sont pas du tout les mêmes que ceux de la course au large… J’ai été chef de quart pour une transatlantique en 2015 sur Nomad IV, un bateau de 100 pieds, de Lanzarote à Grenade, 3200 milles nautiques environ (NDLR : la Route du café fait 4350 milles). On était 18 à bord, avec un cuistot, on mettait la clim quand il faisait trop chaud… Rien à voir avec la Transat Jacques Vabre !
Les tout premiers souvenirs étaient donc plutôt bons. En 2017, ils étaient plutôt… sportifs !  C’était fantastique de vivre ça avec Olivier Cardin sur Région Normandie Junior Senior by Evernex. Et c’était top de faire la course qu’on a faite : on a très mal commencé, mais on a réussi à raccrocher la tête de course  jusqu’au bout. Notre duo a été compétitif, malgré mon inexpérience de la course au large.
Se sentir capable de rivaliser avec les autres marins était gratifiant. Au final, nous sommes arrivés 5e en ayant fait plein de bêtises !

  • Quels sont vos objectifs sur cette Transat Jacques Vabre 2019 ?

Je pars avec un peu plus d’expérience car ce sera ma deuxième édition, mais aussi grâce à Jörg, qui est un extraordinaire compétiteur et dont la connaissance de la course au large n’est plus à prouver. Mais paradoxalement, c’est très difficile de dire qui va pouvoir gagner. Le plateau est vraiment très balèze par rapport à 2017 ! Il y a de très bons marins, de très bons bateaux. Raisonnablement, on peut essayer de viser un top 5, mais si on n’est pas très bien, on peut rapidement arriver 10e. On va donc se battre pour un top 5, mais si le podium est à portée de tir, on va se baisser pour le ramasser, aucun doute la dessus.

  • Comment vis-tu ce départ au Havre, dans ta ville ?

Je pars souvent régater à l’étranger. On est un peu à l’opposé des Anglo-saxons, nous les Français. Pour eux, il y a la voile olympique, le match racing, les gros bateaux sont sous le feu des projecteurs... En Nouvelle-Zélande et en Australie, la voile est le sport national. Dans ces pays, vous arrêtez quelqu’un dans la rue, il est fort probable qu’il puisse vous dire qui est Jérémie Mion, le licencié de la Société des Régates du Havre sélectionné pour les Jeux Olympiques de 2020 à Tokyo en 470.
J’ai navigué au haut niveau sans que cela ait un réel impact. Et j’ai été frappé par l’engouement du public au retour de ma première Route du café. C’était assez incroyable.
Le fait de partir du Havre me permet de partager cela avec ma famille, ma belle-famille, mes amis. Tout le monde nous file un coup de main, il y a énormément d’entraide. On a l’impression d’être un peu au centre du monde. C’est parfois un peu gênant, mais on sent que ça permet à beaucoup de personnes de travailler ensemble dans un super état d’esprit.

  • Est-ce que tu penses qu’il y a eu un effet "Route du café 2017" aux yeux du public ?

Lors de la dernière édition, on avait fait visiter le bateau 700 fois et on recommence cette année. On est extrêmement sollicités par les journalistes et les partenaires. J’avoue avoir un peu de mal à réaliser, mais c’est super de pouvoir partager ainsi avec le plus grand nombre, car on n’a pas toujours l’occasion de le faire dans un tel cadre.
En 2017, j’étais le seul Havrais. Il y avait un gros focus sur moi, ce qui était un peu bizarre. Aujourd’hui, c’est la deuxième fois, je suis donc peut-être un peu reconnu, mais on est trois Havrais, donc l’intensité est un peu moindre.

  • Quelles sont tes relations avec les deux autres skippers havrais engagés, Charlie Dalin et Renaud Courbon ?

L’un de mes sponsors sur la première Transat Jacques Vabre était Junior Senior, pour qui travaille aujourd’hui une ancienne collègue de la Ligue de Voile de Normandie. Junior Senior sponsorise à présent Renaud Courbon, qui n’est autre que le trésorier de la Ligue de voile normande. Je le connais particulièrement bien, c’est un ami.
Quant à Charlie Dalin, j’ai l’ai entraîné en 420, de 14 à 18 balais. Je suis excessivement fier de son parcours. D’autant plus fier que je m’occupe de Normandie Elite Team, et qu’en 2014, alors que Charlie était "piéton", notre première mission a été de lui mettre à disposition un bateau, un Figaro Bénéteau, avec lequel il a signé son premier podium sur la Solitaire du Figaro. Je l’ai suivi sur ses années de préparation, puis il a intégré le programme Macif pendant quatre ans, et il a fait quatre podiums. Cinq podiums d’affilée, c’est un truc de dingue…
Charlie est une force de caractère incroyable. C’est normal qu’il en soit là, c’est un énorme bosseur. Pour cette 14e Transat Jacques Vabre Normandie – Le Havre, il a en plus une belle bestiole entre les mains (Imoca Apivia).

  • Peut-on parier sur un Havrais sur le podium en Imoca et un Havrais sur le podium en Class40 ?

On peut dire ça. Mais je pense qu’il y a plus de chances en Imoca, car Charlie a vraiment une belle bestiole entre les mains (Imoca Apivia, co-skipper Yann Éliès).
Avec Linkt, Jörg et moi avons un super bateau, très polyvalent, construit notamment pour le tour des îles britanniques, mais moins dans l’optique d’une Transat Jacques Vabre. Sur la flotte Class40, il y a au moins six bateaux plus rapides que le nôtre. Mais ce n’est pas parce qu’ils sont plus rapides qu’on ne va pas essayer de jouer le podium !