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Culture

« À force de vivre entouré de béton, j’ai pu y voir toutes ses subtilités » : l'interview de Teuthis

Vous les avez sûrement déjà vus, disséminés à travers la ville. Dorades, tortues et autres calamars sont la marque de fabrique de Teuthis, street artiste havrais qui combine art et biologie marine. Du 29 février au 26 mai, il expose ses œuvres dédiées à l’architecture à la Maison du patrimoine.

Publié le 16/02/2024

  • lehavre.fr : D’où vous vient votre passion pour le monde marin ?

Teuthis : J’ai grandi à proximité des quais et j’ai toujours été fasciné par la vie marine : les petites plages, les rochers, les goélands ont bercé mon quotidien. Depuis tout petit, quand je revenais de mes balades, j’avais cette envie de redessiner ce monde un peu caché sous la surface et retrouver tous les détails une fois chez moi. Ce sentiment ne m’a jamais quitté. Comme une suite logique, j’ai fait des études d’océanographe à Paris et à Roscoff dans le Finistère.

  • lehavre.fr : Comment est né l’artiste Teuthis ?

Teuthis : Le fait de dessiner des espèces à la binoculaire en sciences m’a donné envie de redonner au dessin naturaliste [technique d’illustration qui a pour but de représenter précisément les éléments de la nature ou de la science] une nouvelle touche plus contemporaine et en y incorporant des éléments graphiques. J’ai mélangé les deux univers, pour en faire ma signature. En 2013, j’ai choisi le nom de Teuthis en réalisant le premier collage d’une longue série : un calamar. C’est un ami qui m’a initié à cette technique et qui m’a poussé à coller mes œuvres sur l’espace public en très grand format. Nous avions créé un calamar géant qui se bat contre un poisson des profondeurs et qui faisait 14m x 4m. Ça m’a donné envie d’en faire d’autres et j’ai par la suite enchaîné les dessins. De fil en aiguille, je me suis rendu compte que le street art était très bien accueilli par le public et me permettais de montrer mon travail que je gardais pour moi dans mes pochettes.

  • lehavre.fr : Quelle est votre technique ?

Teuthis : Je dessine à l’encre et j’utilise les techniques respectant les normes du dessin naturaliste. Ma formation en sciences m’a appris la culture du dessin précis, ayant pour but de se rapprocher le plus possible du réel pour mieux l’archiver et le documenter. Ensuite, je scanne les dessins que j’ai méticuleusement faits en atelier pour les installer en grand format dans les rues et leur donner ainsi une autre dimension. Je dessine avant tout ce que j’aime. Je suis heureux de voir que ça peut plaire à d’autres.

  • lehavre.fr : Que vous inspire l’architecture havraise ?

Teuthis : Adolescent, j’ai arpenté les rues avec mon skate, voyant défiler les immeubles Perret, le MuMa, Le Volcan, l’Hôtel de Ville. À l’époque, Le Havre était moins végétalisé qu’aujourd’hui. Je pense qu’à force de vivre entouré de béton, j’ai pu y voir toutes ses subtilités : ses nuances, sa couleur, différente le matin et le soir en fonction du soleil et des nuages. Cette atmosphère d’apparence froide m’a inconsciemment marqué et inspiré.

  • lehavre.fr : Qu’allez-vous exposer à la Maison du patrimoine ?

Teuthis : Avec cette exposition, je quitte un instant le monde marin pour m’attarder sur celui de l’architecture et ainsi proposer une nouvelle lecture des bâtiments Perret. Je pars sur des œuvres nouvelles, exclusives pour l’exposition, et notamment un travail sur les claustras de l’église Saint-Joseph, du collège Raoul Dufy et de l’Hôtel de Ville. J’ai travaillé sur des formes très géométriques, très simples, mais qui, une fois compilées sur une façade, sont très emblématiques du Havre. Pour l’église Saint-Joseph, par exemple, il était compliqué de retrouver le halo lumineux des vitraux et de retransmettre sa luminosité avec mes techniques de feutres et d’encres. Je souhaitais aussi mettre en valeur le travail de Marguerite Huré sur les vitraux. Il y a donc eu un travail important sur les teintes car elle a utilisé les couleurs employées au Moyen Âge. Graphiquement, j’ai essayé d’apporter une dimension déconstruite en éclatant les façades, en montrant les intérieurs, les textures, mais aussi les tiges métalliques du béton armé. L’ensemble ressemblera à l’image d’une dissection.

Plus d'infos
Exposition « Reconstruction / Déconstruction »
Du 29 février au 26 mai 2024
Maison du patrimoine - 185 rue de Paris
Entrée gratuite
Visite guidée en présence de l’artiste le samedi 2 mars à 15h
Visites guidées de l’exposition, à partir du 9 mars, les samedis à 15h et à 16h

Infos et réservations sur le site Pays d'art et d'histoire