Entretien
Culture
Un Été au Havre

"Jouer avec le statut du spectateur"

Veit Stratmann, plasticien allemand, livre son installation Les Anneaux à la curiosité du public

Invité d’Un Été au Havre 2018, le plasticien allemand Veit Stratmann livre son installation Les Anneaux à la curiosité ludique du public jusqu’au 23 septembre sur l’esplanade de la plage. Interview embarquée.

  • lehavre.fr : Comment sont nés Les Anneaux ?

Veit Stratmann : Ils sont officiellement nés en 1999 mais l’idée date de bien plus longtemps. En fait, c’est une question que je me pose depuis des années : est-ce que l’œuvre d’art focalise l’attention ou est-ce qu’elle renvoie le regard du spectateur vers ce qui l’entoure ? Les Anneaux sont une tentative de réponse.

  • lehavre.fr : Les considérez-vous comme une œuvre d’art ?

V.S. : C’est une pièce créée pour l’espace urbain, avec les codes qui vont avec et qui ne sont pas ceux que l’on adopte dans les musées et les espaces d’exposition. Dans Les Anneaux, toutes les pièces sont interchangeables. Si l’une casse ou est abimée, on la remplace comme sur n’importe quel mobilier urbain.

  • lehavre.fr : Quelle en est l’idée directrice ?

V.S. : L’idée est de jouer avec le statut du spectateur. En voyant Les Anneaux, il se pose la question : est-ce que je m’assois dessus ou pas ? C’est à lui d’opérer un choix, d’inventer le rôle qu’il souhaite tenir dans cette forme artistique dont il fait partie.

  • lehavre.fr : Comment inciter les spectateurs à jouer avec Les Anneaux ?

V.S. : en m’adressant plus à leur corps qu’à leur cerveau (rires). Ces sièges orange mettent le spectateur à l’aise car ils les a déjà vus ailleurs. Ils le poussent à s’asseoir sans se poser de question.

  • lehavre.fr : Et pourtant, certains n’osent pas…

V.S. : Les Anneaux créent une situation, à chacun de prendre sa décision. C’est justement ça qui m’intéresse : ce petit vide qui s’installe entre l’envie du corps et le questionnement du cerveau. Les enfants n’ont pas cette hésitation. Ils se saisissent des Anneaux et en font tout de suite un jeu entraînant souvent les adultes à leur suite.

  • lehavre.fr : Le spectateur fait partie de l’œuvre. Quel est l’effet recherché ?

V.S. : En se déplaçant, Les Anneaux adoptent une chorégraphie aléatoire, multipliant les formes dans l’espace urbain. La pièce n’est jamais figée, elle suit les mouvements de ceux qui ont choisi de les impulser.

  • lehavre.fr : Y-a-t-il une limite à cette liberté d’action ?

V.S. : Bien sûr et c’est là aussi son intérêt. Si neuf personnes s’assoient en même temps sur un anneau, ils ne pourront plus le faire bouger et la proposition s’écroule. Ils ont certes opéré un choix mais ça peut aussi ne pas marcher. C’est aussi vrai  dans la vie…

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