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Entretien
Culture

"Quand on ouvre un livre, on ouvre un monde !"

Laure Limongi, éditrice, auteure et enseignante

Éditrice et auteure, Laure Limongi enseigne la création littéraire à l’Ecole supérieure d’art et de design du Havre dans le cadre du Master de création littéraire du Havre.

  • lehavre.fr : Qu’est-ce qui vous intéresse dans l’édition ?

Laure Limongi : Je ne viens pas d’un milieu littéraire ou artistique. Je suis née en Corse (une île) dans une période pré Internet : je peux donc témoigner qu’un lecteur peut avoir un choc esthétique et découvrir sans formation préalable des écrivains considérés comme « exigeants ». Ce ne sont ni les auteurs « têtes de gondoles » ni les « produits littéraires » qui m’intéressent en tant qu’éditrice mais le geste artistique et la création dont l’écriture procède et qui peuvent parfois avoir un impact très significatif sur la vie de certains lecteurs. Il me paraît important de pouvoir aider à la diffusion d’une littérature d’auteurs inclassables, de tâcher de les rendre accessibles.

  • lehavre.fr : Quel a été votre plus grand choc de lectrice ?

L.L. : Sûrement Denis Roche, écrivain, poète et photographe, l’un des représentants de l’avant-garde poétique des années 1960-1970. J’étais en classe préparatoire quand j’ai découvert Notre antéfixe. J’ai trouvé magnifique la manière dont cet auteur réussissait à aller au cœur de l’émotion à travers la plus grande intrépidité formelle. Dans une sorte de syndrome de Stendhal, j’ai presque fait un malaise à la bibliothèque du Centre Pompidou où je révisais mes cours. Cette découverte a fonctionné comme un déclic. Dans le cadre de mon mémoire de Master, j’ai par la suite eu la chance de rencontrer ce modèle d’écrivain-éditeur.

  • lehavre.fr : Vous aimez enseigner une écriture en dialogue avec d’autres pratiques artistiques, Pourquoi ?

L.L. : Je me sens davantage artiste-écrivaine qu’auteure. L’écriture est une forme artistique comme une autre : on invente des gestes, des formes. À titre personnel, je pratique la performance, je développe des protocoles artistiques hors du livre, je collabore avec des musiciens. La création et le partage sont pour moi deux facettes complémentaires : construire son propre univers en créant des formes, et partager dans le cadre de projets collectifs éditoriaux ou avec des étudiants dans un geste de transmission.

  • lehavre.fr : Quel plaisir prenez-vous à diriger le parcours « Création » du Master de Création littéraire du Havre ?

L.L. : Depuis 2013, j’enseigne la création littéraire dans le cadre du premier Master de création littéraire créé en France, au Havre, co-habilité par l’école d’art (ESADHaR) et l’Université du Havre. Ce Master offre sur deux ans deux parcours possibles : l’option « Lettres » et l’option « Création » que je dirige. 5 ans plus tard, je suis toujours en plein coup de foudre avec ce métier de transmission qui me permet aussi d’utiliser mon expérience d’éditrice. Ici, nous avons le temps d’accompagner le geste d’émergence de chacun de nos 30 étudiants. Nous avons pu créer une très bonne équipe pluridisciplinaire et de nombreux intervenants extérieurs sont programmés.

  • lehavre.fr : Est-ce une fierté d’accompagner vos étudiants jusqu’à la publication ?

L.L. : Oui, nous avons la fierté de voir nombre de nos étudiants publier rapidement à la sortie du Master. J’ai personnellement accompagné quelques manuscrits : Lucie Desaubliaux, diplômée 2016, La nuit sera belle (Actes Sud) ; Olivier El Khoury, diplômé 2016, Surface de réparation (Notabilia) ; Gabrielle Schaff, diplômée 2017, Passé inaperçu (Le Seuil) ; Thi Thu, diplômée 2017, Presque une nuit d’été (Rivages). Certains de nos étudiants privilégient d’autres formes qui n’ont pas nécessairement la même visibilité mais sont tout aussi légitimes – les formes performées, la création numérique, notamment. Le Master ne se contente pas de permettre l’écriture d’un projet littéraire mais donne les outils pour continuer après la formation. Nous serons donc d’autant plus heureux quand des publications succéderont à la première : un écrivain existe dans la durée.